'Le surf, c’est avant tout mon rapport à l’élément, à l’eau. Et comment il m’a permis de voyager, d’aller à la rencontre d’autres cultures, des gens. Ce qui m’anime dans la vie, c’est d’aller à la rencontre de l’autre et d’expérimenter un maximum de choses. Mes parents ont toujours voyagé et m’ont fait voyager. Et après, La Réunion, d’où je viens, est une île de mélanges, on vient tous d’ailleurs. C’est devenu quelque chose de vital. Ça me rapproche d’une liberté qui est cruciale à mes yeux. Il ne s’agit pas de simplement bouger mais d’aller voir, ce sont comme des pulsions… Je serai ravie de faire de ma vie un grand voyage…' dit Justine Mauvin, en préambule. Elle a 24 ans, sa vie consiste à suivre les vagues du monde, qu’elles soient liquides ou à l’âme. Il peut lui arriver de partir à la chasse aux crocodiles en pirogues avec une tribu en Papouasie. Elle n’est pas une touriste. Rien à voir. Elle enlace le monde plus qu’elle ne le visite. Aux cartes postales qui ne disent rien, elle privilégie l’instant présent, cette communion non négociable avec la terre et ceux qui l’habitent. Le réel avant les souvenirs. Maintenant. Vice-championne d’Europe, double championne de France et troisième mondiale de surf, Justine Mauvin préfère pourtant aux simples trophées, le plaisir, l’instinct. La forme de l’eau…
Et la musique.
Elle découvre le surf à l’âge de neuf ans. Le piano, puis la guitare, suivent de près. C’est son père qui l’initie, qui lui apprend ses premiers accords. C’est une évidence pour la petite fille. Elle écrira des chansons. La mélodie, les sonorités, ce sont les premières choses qui lui viennent, avant tout le reste. Elle a l’écriture libre, presque automatique. Les mots s’imposent après, quand les notes ont déjà tracé un chemin. Anglais et Créole. Les deux langues qu’elle a choisies pour raconter. Pour respirer encore plus fort. Elle s’essaye d’abord au flamenco, ses origines espagnoles certainement, et aussi parce que c’était la musique idéale pour apprendre à délier les doigts… Puis, elle reprend les standards des autres, ceux qu’écoute sa famille, Joan Bez, Fleetwood Mac… Elle grandit.
Elle aime le côté éphémère des concerts, cette chose presque palpable avec le public. Une seconde d’éternité partagée : 'C’est comme quand tu surfes, chaque vague est unique, tu dessines ta trace le temps de quelques secondes, tu danses avec elle, c’est un partenaire unique et je ressens la même chose pendant les concerts...'. Parfois, une existence ne suffit pas à un Homme pour se trouver. Justine, elle, s’est trouvée deux fois. Sur une planche et sur les planches. C’est quelque chose d’assez rare. Elle ne l’ignore pas et ne compte pas galvauder ses passions. Au départ, ses chansons égrènent une certaine idée de la mélancolie, de la nostalgie. Le tempo est sépia, les atmosphères rétroviseur. C’est ce qui sort, ce qui lui vient. Elle ne triche pas. Elle en est incapable. Et la vie suit son cours : 'Après le Bac, j’arrive en Métropole et je me lance naïvement dans des études de droit international à Toulouse. Mais je passais plus de temps sur mon clavier à composer qu’à vraiment étudier. Et le week-end, j’allais surfer à Biarritz. Je n’ai passé que deux mois à la fac… À cette époque-là, j’étais déjà surfeuse professionnelle sponsorisée par la plus importante marque de surf féminine … Et je savais qu’ils avaient monté un studio d’enregistrement à Saint jean de Luz. En 2011, je frappe donc à leur porte. L’ingé son du studio, Ken Ploquin (Gainsbourg, M, Patti Smith, Daho…), qui a longtemps été mon mentor, a tout de suite accroché. J’ai sorti deux titres avec eux, 'By Heart' et 'Bom Bom' J’ai ensuite fait pas mal de petits concerts dans la région, à Paris également. À l’époque, j’étais plus dans un délire clavier mélancolique (rires). Aujourd’hui, le tempo est plus rapide. Elle a raison. Ses nouvelles chansons sont plus enlevées, plus solaires, elles peuvent être considérées comme une nouvelle étape et une affirmation. Justine a évolué, oui, elle a avancé. 'Je suis toujours dans l’instinct mais j’ai aussi pas mal de recul désormais. Je dirais que ma musique est solaire et sensible à la fois. J’ai envie d’y mettre mes origines de La Réunion avec des sonorités atypiques et endémiques. Je pense à intégrer très vite plein d’instruments traditionnels comme le Kayamb, le Bobr... Je veux être un porte-parole au monde de mon petit caillou, lui faire honneur et lui rendre hommage. Et c’est pour ça aussi que j’introduis de plus en plus de créole dans mes chansons. Créole et anglais. Pour faire le lien entre l’île et le monde… L’anglais est mélodique, tout comme le créole. Ce sont des langues qui se chantent presque…'.
Au futur et au passé, Justine préfère donc le présent. Intensément. Et ses nouvelles chansons le proclament avec une force et une sensibilité indéniable. On sent dans ces mélodies indomptées que rien n’est forcé. Tout semble couler, tout est à sa place. Limpidité du coeur. Il y a d’abord 'Waterman', single qui tournoie, qui emporte, loin. Justine chante son rapport à l’eau : 'L’eau, j’en ai besoin quand j’ai l’impression de suffoquer dans ce monde parfois hyper rapide, plein de lions et de chiens comme je le dis dans la chanson'. L'eau n'est pas une ressource, c'est une source m'a dit un jour Maurice Rebeix. Elle me libère de mes craintes, m'apaise et m'énergétise à la fois. De manière consciente ou inconsciente elle fait partie de moi chaque jour. L'eau sait prendre toutes les formes, s'adapter à son environnement... D'une seule goutte naît la vie. C'est à cette mère que je rends hommage... Ce titre, c’est un peu aussi une présentation de moi, la fille de l’eau. Et c’est encore une façon de demander aux gens quel est leur rapport à l’eau ? À quel point elle leur est vitale, De quelle manière en ont-ils conscience ? C’est juste une petite question de base. Ce n’est pas un prêche ou un truc moralisateur, pas du tout, plutôt un échange à propos de cet élément qui nous entoure. Sans prétention, hein…
Ce titre dégage quelque chose d’aquatique. Des bruits un peu froids et ronds. Et en même temps, il y a cette chaleur. Avec des sonorités qui résonnent, rebondissent …'. C’est exactement ça. Le refrain ne fait pas de prisonnier, la mélodie, fédératrice, prend par la main et invite au voyage. Ibeyi, Selah Sue, MIA, il y a un peu de ça. Il y a surtout un univers qui s’incarne sans attendre et où Justine invente la sensualité pas dupe. C’est imparable et immersif, terriblement.
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